Edito : Quand les villes s’effondrent, (se) reconstruire

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Mis à jour le 17/10/2020 | Publié le 31/01/2019

Le 5 novembre 2018 à Marseille, deux immeubles s’effondrent. Sous les décombres, les corps de huit personnes. Depuis, des immeubles sont évacués partout dans la ville, et la question de l’habitat indigne est au cœur des préoccupations. Près de 2 000 Marseillais délogés attendent pour la plupart des propositions de relogement durables, et les familles des victimes se préparent à un long combat judiciaire. “La justice se hâte lentement”, prévient l’un des avocats. Mais les citoyens organisés en collectifs et associations mobilisés sur le sujet parviennent à remporter de petites victoires et à faire respecter le droit au logement digne face à une mairie, une métropole et une préfecture qui leur accordent peu de crédit.

L’équipe de 15-38, dont une partie des membres vit à Marseille, a été particulièrement touchée par ce drame. Nous avons souhaité, comme nous l’avons fait pour nos différents dossiers, mettre en valeur ceux qui se mobilisent face à des logiques urbaines qui favorisent l’enrichissement, en mettant de côté le droit à vivre dignement. Partout autour de la Méditerranée, des collectifs, des associations ou des habitants luttent contre l’habitat insalubre.

Les causes du délabrement de l’habitat sont multiples. En Libye, la guerre qui a frappé la ville de Benghazi a laissé un centre-ville dévasté. Au Liban, à Beyrouth, la hausse des loyers et les constructions luxueuses qui remplacent les maisons touchées lors de la guerre civile ont poussé peu à peu les habitants « les moins bien lotis hors de la ville”. En Algérie, il faut fouiller dans l’histoire coloniale pour comprendre la création des bidonvilles.

Face à l’indigne, des citoyens inventent des modèles coopératifs. A Rome, depuis les années 1980, l’autorecupero sème ses immeubles dans la ville. Frappées par l’endettement, des familles mises à la rue ont ainsi accès à des immeubles réquisitionnés par les collectifs. Rien d’illégal : la municipalité reste propriétaire des bâtiments, eux se chargent de rénover les logements.

En Turquie, des acteurs associatifs forment les habitants pour qu’ils défendent leurs droits à conserver leur logement et qu’ils réclament leur titre de propriété à l’Etat, face aux politiques de réhabilitation urbaine.

Partout dans les villes méditerranéennes, les immeubles vacants ne manquent pas. Quand nos villes s’effondrent, à nous de réinventer et de reconstruire : “de toute façon, (nous) ne pouvons plus attendre”, pour reprendre les mots d’Ahmed à Benghazi. La vie et l’avenir de nombreuses familles sont en jeu et nécessitent des politiques du logement qui assurent la protection des habitants. Ce tour de Méditerranée nous apprend une fois de plus que les enjeux sociétaux se ressemblent au cœur des villes du pourtour méditerranéen.

Lors d’une matinée de travail sur la presse, des élèves de seconde du lycée Thiers de Marseille ont planché sur le dessin de presse. Certains ont souhaité exprimer leur ressenti concernant la question du mal-logement à Marseille. Nous reproduisons ici leurs dessins avec leur accord. L’oeil est déjà aiguisé et le crayon acéré…