A Martigues, des industries responsables, mais pas coupables

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Mis à jour le 17/10/2020 | Publié le 18/03/2018

C’est l’histoire d’une très belle ville au bord de l’étang de Berre dans les Bouches-du-Rhône : Martigues. Appelée la « Venise provençale », sa beauté est bien réelle mais derrière l’écrin martégal, l’industrie de la chimie sème la mort.

En approchant de la ville via le chemin de fer, je sens que je rentre dans un environnement dual. Derrière les résineux, voici des cheminées cracheuses de fumée qui se manifestent. Cette image m’accompagne jusqu’à la gare de Martigues. La gare m’angoisse car je ne ressens pas d’activité humaine, et pour cause autour de moi, dans l’air tout est chimique. Les convois de fret de produits toxiques vous accueillent.

Dès ses débuts, l’ADEVIMAP, l’Association de défense des victimes des maladies professionnelles de l’Ouest de l’étang de Berre a été créée pour prendre en charge toutes les maladies professionnelles. Une spécificité, car dans la région les associations de prise en charge des maladies professionnelles s’occupaient essentiellement des maladies concernant l’amiante. Je suis allé à la rencontre de la présidente de l’association et de l’un des administrateurs.

La ville de Martigues et plus largement la zone de l’étang de Berre sont encerclées par l’industrie pétrochimique. Les villes et les habitants ne peuvent échapper à la pollution. Ici, les maladies professionnelles riment avec cancers.

La problématique des maladies professionnelles dans la zone de Martigues et de l’étang de Berre a conduit les différentes associations et syndicats travaillant sur la question à se fédérer autour de la question des maladies professionnelles.

L’association ADEVIMAP gère en ce moment 1 910 dossiers de particuliers percutés par la maladie professionnelle. Leur traitement n’est pas simple car il faut établir la cause de la maladie pour la faire reconnaître comme maladie professionnelle à la Sécurité sociale. Certains meurent avant la prise en charge de leur dossier, laissant les familles dans le désarroi.

Les décharges préposées au traitement de l’amiante et autres déchets toxiques ne sont pas assez nombreuses au vu de la production de déchets des entreprises et des particuliers. De plus, le traitement des déchets engendre des coûts très élevés, ce qui favorise in fine la multiplication des décharges sauvages contenant des matériaux amiantés, et donc hautement cancérigènes.

Depuis 2012, les municipalités sont dans l’obligation de faire des bilans amiante sur les bâtiments construits avant 1997. Dans les faits, très peu de municipalités respectent cette loi. Elles mettent donc en danger la population toute entière, alors qu’une demie fibre d’amiante peut suffire à contaminer une personne.

Le compte pénibilité comportait à l’origine 10 critères. Le gouvernement actuel a choisi d’en éliminer 4 : il s’agit de l’exposition aux postures pénibles, aux vibrations mécaniques, aux risques chimiques, ainsi que le port de charges lourdes. Seule exception : ces critères seront reconnus s’ils génèrent une maladie professionnelle reconnue et un taux d’incapacité permanente de plus de 10 %. Au cours de sa conférence de presse du 31 août, Muriel Pénicaud avait considéré que ces quatre critères étaient « inapplicables car ils obligent les patrons à chronométrer tous leurs salariés ».

Le problème de la reconnaissance des maladies professionnelles et de leur qualification réside dans le diagnostic santé des travailleurs par les médecins du travail. Or, les médecins du travail sont employés par les industriels responsables de la contamination des travailleurs par l’amiante ou d’autres matières toxiques.

Les industriels qui sont mis en cause dans les cas de maladies professionnelles résultant de l’amiante ne sont pas reconnus comme responsables aux yeux de la justice. Pire, les organismes qui peuvent les incriminer et apporter les preuves de leur responsabilité font tout pour que ces industriels ne soient pas mis en cause.

Selon l’ADEVIMAP, les organismes de recouvrement et de prise en charge des dossiers, comme la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) et la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de santé au travail), en croisant leurs données pourraient trouver les responsables. Mais à l’heure du numérique, tout est fait pour ne pas mettre en place cette base de données indispensable pour une traçabilité des travailleurs exposés à ces risques chimiques.