De Calais à Saint-Bauzille

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Mis à jour le 20/08/2021 | Publié le 04/02/2017

Ils viennent d’Érythrée, du Soudan, d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak et d’autres contrées. Des femmes, des hommes et des enfants fuyant les conflits et l’insécurité de leurs pays. Ici ils sont devenus des migrants, des réfugiés, des exilés, des demandeurs d’asile et se sont retrouvés dans ce bois aux portes de l’Angleterre nommé la « jungle de Calais». Depuis 2002, ils y transitaient, habitaient et survivaient. L’aggravation des conditions de vie et de la sécurité dans les camps, l’accroissement du nombre de personnes et la volonté de reprendre le contrôle de la situation a conduit le gouvernement à réagir. En octobre 2015, il annonce l’ouverture de centres d’accueil et d’orientation (CAO) afin de répartir peu à peu les réfugiés à travers toute la France. Dans ces nouveaux lieux de transit, encadrés par des éducateurs, ils doivent reprendre leur récit de vie et entamer des procédures de demande d’asile.

Dans le sud de la France, la région Occitanie a accueilli une large part des migrants de Calais dans ses villes et ses villages. Aux portes des Cévennes, à Saint-Bauzille-de-Putois, le climat s’est tendu au mois d’octobre 2016 à l’annonce de l’arrivée de 87 migrants dans ce village de 1861 habitants. Cette annonce intervenue seulement 13 jours avant l’accueil de jeunes hommes soudanais a dans un premier temps choqué les villageois mais a aussi créé un bel élan de solidarité qui s’est étendu aux localités voisines.

A la sortie du village de Saint-Bauzille-de-Putois, le centre de vacances pleine nature « Les lutins Cévenols » s’est transformé en centre d’accueil et d’orientation (CAO) pour accueillir 43 hommes originaires du Soudan. Le lieu devait fermer ses portes fin octobre pour des raisons financières. Mais le groupe SOS solidarités, gérant du centre, a obtenu des subventions étatiques à la suite d’un appel d’offre lancé par l’Etat afin d’administrer les CAO. Aujourd’hui, 12 salariés et plus de 200 bénévoles réunis en collectif s’activent pour organiser le quotidien des jeunes soudanais et redonner vie à cette grande maison.

Retraitée dynamique, Dominique s’est rapidement mobilisée face aux réticences de certains villageois. Elle se rend quotidiennement au CAO pour échanger en français, en anglais et en arabe et soutenir les réfugiés soudanais dans leurs activités.

Entrée du centre de vacances de pleine nature « Les Lutins Cévenols » transformé en CAO où sont accueillis les jeunes soudanais

Dans la salle commune, les jeunes viennent boire du thé, du café et discuter avec les bénévoles. Azedine pose beaucoup de questions sur notre nouveau média méditerranéen avant de se rapprocher du micro. A 23 ans, il a quitté sa famille et son pays, le Soudan.

En fin de journée, une nouvelle visiteuse arrive. Accompagnée de son nourrisson et de son fils, Laure est venue apporter le goûter dans la salle commune.

Dans le coin télé, les jeunes regardent des clips musicaux du Soudan. Hanni tient le bébé de Laure dans ses bras. Au début hésitant et méfiant, ce grand jeune homme de 33 ans, diplômé en ingénierie informatique accepte de se confier.

Derrière son bureau recouvert de papiers et d’enveloppes, l’éducateur et coordinateur du CAO, Xavier Meillac, finalise les dossiers de demande d’asile.

Centre du village de Saint-Bauzille

A un kilomètre de là, à la mairie de Saint Bauzille, Michel Issert, le maire, s’affaire d’un bureau à l’autre. A l’origine de la campagne d’affichage « 87 migrants, c’est trop », il est accusé par des militants d’avoir provoqué les tensions et le rejet de l’accueil. Il explique sa position.

Malgré les propositions d’activités émises par le maire, les relations entre la mairie et le CAO restent tendues. Au centre du village les tensions semblent pourtant s’apaiser. Les habitants ne désirent pas s’exprimer ouvertement sur le sujet mais quand on les questionne hors micro, ils insistent sur le fait qu’ils auraient aimé être mieux informés concernant l’origine des arrivants et les conditions de leur séjour craignant leur installation définitive dans un si petit village déjà durement touché par la crise de l’emploi. Comme de nombreux CAO en France, celui de Saint Bauzille va devoir fermer ses portes dans quelques mois. La prochaine étape étant la répartition des personnes dans des centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Mais pour le moment les places sont insuffisantes. Pour Hanni, Azedine et leurs amis la route vers l’asile, la paix et le repos est encore longue mais ils pourront compter sur le collectif de bénévoles qui a l’intention de les accompagner après la fermeture du CAO.

Crédits Photos : Mireille Barbier