Grégory Bernard : “Face à la montée des lgbtphobies, l’important pour le refuge c’est l’éducation”

Mis à jour le 04/09/2023 | Publié le 26/06/2023
Grégory Benard est chef de service pour la délégation des Bouches-du-Rhône de la fondation Le Refuge. Cette association française créée il y a 20 ans, héberge et accompagne les jeunes LGBTQIA+ en situation de rupture familiale.

Quels sont les services proposés par la fondation Le Refuge à Marseille?

Nous proposons deux modalités d’accompagnement. Nous avons 10 places en hébergement ainsi qu’un suivi en accueil de jour pour les jeunes qui ont des solutions d’hébergement par leur propre moyen. Ils peuvent être hébergés chez des tiers, dans des foyers ou en CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asiles) et viennent au Refuge pour un accompagnement social. Actuellement, nous accueillons 10 jeunes en hébergement et 19 en accueil de jour. Notre but est de leur proposer une reconstruction émotionnelle et matérielle. Nous sommes à la fois sur l’accompagnement social, sur l’insertion professionnelle et sur la reconstruction psychologique avec une psychologue vacataire qui intervient toutes les semaines.

Un autre axe d’action de la fondation consiste à faire des interventions en milieu scolaire et professionnel. Nous sommes sollicités par des établissements parfois seulement pour une classe, parfois après une agression lgbtphobe, afin de faire de la prévention et de la sensibilisation auprès des jeunes. On le fait de plus en plus en milieu professionnel. Soit pour faire de la sensibilisation au sein d’entreprises, soit auprès de travailleurs sociaux qui ne sont pas formés sur la spécificité de l’accompagnement des personnes queer dans leur formation. Le fait d’être LGBTQIA+ et identifié est un frein supplémentaire, à l’insertion professionnelle, à l’insertion dans le logement.

Selon vous, les violences à l’encontre des personnes LGBTQIA+ ont-elles augmenté récemment en France ? 

Effectivement, les violences augmentent depuis plusieurs années. Le rapport de SOS homophobie qui est paru le 16 mai dernier met en avant sur l’année 2022 une augmentation de 28% des actes homophobes et de 26% des actes transphobes. C’est une tendance qui avait diminué et qui reprend ces dernières années en s’ancrant dans la durée. On constate qu’il y des discours homophobe et transphobe complétement décomplexés. 

Le refuge accueille en général de jeunes victimes de lgbtphobie dans le milieu familial. On a constaté une nouvelle phase d’augmentation des actes de violences et de rejet au sein des familles, surtout pendant la période COVID avec le confinement. Des personnes qui vivaient leur orientation sexuelle ou leur identité de genre à l’extérieur du domicile, encore cachées de leur famille, ont été parfois forcées à faire leur coming-out. Le nombre de nuitées d’accueil est passé de 58 265 à 72 416 entre 2020 et 2021 selon le rapport d’activité 2021.

Marseille a la spécificité d’être une ville d’arrivée des populations migrantes. Beaucoup de nos jeunes qui sont des demandeurs d’asile ou des réfugiés ont quitté leur pays en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Dans certains pays, l’homosexualité est soit culturellement interdite, soit carrément condamnée par la loi. Cette tendance est aussi en hausse.

Dans le contexte actuel, quels sont les grands enjeux pour la Fondation Le Refuge ?

Pour faire face à l’augmentation de la demande, la fondation souhaite doubler sa capacité d’accueil à l’échelle nationale, qui est pour l’instant de 200 places réparties dans 20 dispositifs d’accueil. Puis, nous constatons que les personnes que nous accueillons ont des parcours de plus en plus difficiles, ce qui provoque des problématiques associées, avec notamment des passages à la rue, des consommations de drogues, de la prostitution, etc. Pour répondre à cela, le Refuge a besoin de professionnaliser les délégations et donc d’engager des travailleurs sociaux. C’est le plus gros enjeux et un chantier qui est en cours depuis l’arrivée d’une nouvelle direction à la tête de la fondation en janvier 2023. 

Face à la montée des lgbtphobies, l’important pour nous est d’éduquer. Il faut aller au contact des personnes, notamment des jeunes, pour faire de la prévention et de la sensibilisation. Il y a une grande méconnaissance de ce qu’est une identité de genre ou une orientation sexuelle différente. Il y a toujours des stéréotypes qui sont très présents dans la société qu’il faut encore déconstruire. Le Refuge souhaite que les institutions mettent en place des activités de sensibilisation parce que pour le moment les interventions en milieu scolaire ne sont pas généralisées. Pourtant, les établissements scolaires ont l’obligation de faire un certain nombre d’heures de sensibilisation sur les questions des discriminations envers les personnes LGBTQIA+.

Pour aller plus loin :

Lettre ouverte à Pap Ndiaye : « Il doit y avoir un avant et un après Lucas »