Giulia et Apolline, pour le dialogue inter-culturel

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Mis à jour le 15/10/2020 | Publié le 05/05/2020

Depuis Vicenza dans le nord de l’Italie et depuis Strasbourg en France, Giulia et Apolline sont toutes deux responsables et coordinatrices de projets pour le sud de la Méditerranée au sein l’organisation ALDA (European Association for local Democracy), association européenne pour la démocratie locale, qui leur permet d’aller à la rencontre des sociétés méditerranéennes, notamment en Tunisie et au Maroc.

Giulia est originaire de Bassano del Grappa, une petite ville située au cœur de la Vénétie au nord de l’Italie. Son parcours en dit long sur sa passion pour les sociétés du pourtour méditerranéen. C’est à l’université de Venise qu’elle a choisi la section langue culturelle société de l’Asie et de l’Afrique méditerranéenne avec des cours sur la langue arabe et sur l’Islam, suivi d’un master Erasmus concerté entre plusieurs universités dont Barcelone, Venise, Sousse en Tunisie et Montpellier en France qui comprenait des cours sur la médiation inter-méditerranéenne, la migration, les sciences politiques, les langues, la culture, la gestion de projet : « Ce sont des aspects qui peuvent lier les deux rives de la Méditerranée. J’ai pu ensuite travailler dans un centre pour demandeurs d’asile afin de les aider dans leur parcours légal d’insertion et dans le système d’accueil. » introduit Giulia. Mais l’élection de Matteo Salvini en 2018 et l’édiction de lois anti-migrants ont fortement réduit les droits et les possibilités d’aide aux migrants. « Il a fallu créer d’autres dynamiques et trouver d’autres fonds européens d’inclusion, d’entraide et de coopération pour pouvoir aboutir à une vision commune d’avenir pour ces personnes. » Son engagement militant auprès des scouts date de sa jeunesse et lui a permis aussi d’être bénévole dans des camps de réfugiés au sud de l’Italie-où 400 000 personnes migrantes venant des côtes libyennes sont arrivées entre 2014 et 2018- et dans une prison pour mineurs. Des expériences très fortes qui l’ont guidée dans ses choix d’études professionnelles. Sur le terrain, son expérience entant qu’éducatrice auprès des jeunes, la questionne sur les possibilités d’éduquer les citoyens à construire une société qui soit plus juste, plus accueillante et plus orientée vers le respect des droits accessibles à tous.

« On m’a dit une phrase qui m’a marquée durant cette expérience de bénévolat auprès des mineurs : la langue est la clé pour ouvrir la porte des cultures, afin de mieux connaître l’autre et j’ai pris conscience que ce qui leur arrivait pouvait aussi m’arriver un jour ».

Depuis Strasbourg, Apolline, a elle aussi eu un parcours humaniste, spécialisé dans le droit et dirigé vers les rives sud de la Méditerranée. Originaire de Draguignan dans le sud de la France elle se sent parfois plus proche de la Tunisie que dans l’environnement strasbourgeois où elle a posé ses valises en 2018. « Je trouve cette ville très symbolique, au cœur de frontières qui se sont dessinées au gré des conflits de territoires ». Un lien également symbolique avec son cursus universitaire en « droit de la reconstruction des états en période post-conflictuelle », où il est question « d’imaginer comment reconstruire un état de droit après une dictature, avec l’aide d’une justice transitionnelle, avec de nouveaux textes ». En Tunisie suite à la révolution et l’adoption d’une nouvelle constitution, Apolline a travaillé sur le suivi de sa mise en œuvre et au développement d’outils juridiques. « On a beaucoup appris, et fait une comparaison avec l’Allemagne dont le système institutionnel nous a paru très désuet après avoir étudié ce changement institutionnel tunisien » confie Apolline. « Cet échange d’expérience a permis de voir ce qu’il se passe ailleurs et d’apprendre, c’est pour cette raison que j’aime travailler pour ALDA, qui réunit de nombreux experts internationaux venant du Maghreb, du Moyen-Orient mais aussi du Caucase, des Balkans où se sont déroulées ses premières missions en 1999 ». Pour Giulia, « ALDA c’est un peu le point d’arrivée de mon parcours personnel qui m’a amené à croire fortement que la démocratie locale participative est vraiment une démarche sur laquelle je veux me concentrer pour donner ma contribution ».

Au cœur du terrain

C’est donc au Maghreb que prennent forme les actions auxquelles elles ont participé. Les deux jeunes femmes s’accordent à dire que le fait d’aller voir ce qu’il se passe ailleurs leur a permis de découvrir des outils de consultation ingénieux dans lesquels les citoyens sont pleinement impliqués. Et de voir que dans certains pays comme l’Egypte, les consultations ont été plus compliquées voir ont échoué du fait de la faible présence des femmes aux assemblées constituantes contrairement à la Tunisie ou au Maroc où les femmes étaient très représentées et une diversité de sujets comme le genre, la religion sont pris en compte.

Des projets centrés sur la femme et l’égalité de genre ont donc vu le jour depuis leur arrivée dans l’organisation. En Tunisie, il fut question de l’intégration de la femme dans la politique locale avec celles qui ont candidaté aux élections municipales. Les consultations se sont élargies également avec la société civile pour intégrer la dimension du genre au niveau local. « Au Maroc, on a même participé à la mise en place d’un projet pilote nommé « Egal » sur l’égalité des genres dans l’action locale qui reprend la dynamique d’un projet sur l’implication des femmes au niveau local mené dans la province de Tetouan » poursuit Giulia.

Le développement durable et la mobilité douce sont des initiatives en cours de construction en Tunisie avec le projet Autrement «Ce projet se fera également avec le participation des citoyens pour la construction d’un parcours de mobilité douce comme la marche à pied et le vélo avec l’aménagement de pistes cyclables afin de désengorger les sorties d’école où s’amassent des voitures et une pollution sonore et atmosphérique. » Dans la ville de Kairouan où le maire se déplace en vélo, la consultation des citoyens a été fructueuse et plutôt en faveur de la proposition. « Il faut en effet un réelle volonté politique pour monter de tels projets et mettre la participation citoyenne et la démocratie participative au centre des discussions » confie Apolline.

Un sujet tourné vers l’environnement qui s’inscrit parfaitement dans les thématiques qui sont abordées au cours des journées AJCM, où les deux femmes animeront un atelier virtuel sur les « jeunes voix de la Méditerranée » afin de permettre à la jeunesse du pourtour méditerranéen d’interroger des députés européens. Elles prévoient également une discussion sur l’entreprenariat féminin avec les témoignages de femmes tunisiennes, libanaises, françaises qui ont des métiers considérés comme réservés aux hommes afin de vaincre certaines peurs et délier les langues !

Hélène Bourgon
Photo : Giulia et Apolline en mission à Chefchaouen au Maroc