Edito : Les murs nous parlent

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Mis à jour le 01/10/2020 | Publié le 04/12/2019

“Alors que le monde fête les 30 ans de la chute du mur de Berlin, un autre mur continue de s’étendre. Celui qui sépare Israël et la Palestine” écrit Inès Gil dans son reportage depuis le checkpoint de Qalandia au nord de Jérusalem vers Bethléem.

Depuis des décennies, des murs sont érigés partout dans le monde pour protéger, séparer ou empêcher. Autrefois pour se protéger contre l’invasion de l’ennemi, aujourd’hui pour empêcher les réfugiés de passer, et séparer les peuples. A l’échelle humaine, les habitants construisent des murs autour de leurs propriétés, aujourd’hui de nombreux pays, s’emmurent et font de leurs territoires une propriété privée. Il n’est pas rare de lire depuis quelques années “L’Europe s’emmure, se mure”, le continent ferme ses frontières devant l’arrivée de personnes migrantes.

Ces murs peuvent être de fabrication humaine comme par exemple le mur qui sépare la population Chypriote en deux définissant de fait des constructions identitaires singulières. Le mur peut aussi être naturel comme la mer Méditerranée qui par sa politisation et son utilisation géostratégique devient un piège séparatiste et mortel pour des populations rêvant d’un ailleurs.
Mais de la Palestine, à l’Égypte, les murs sont autant marqueurs de l’Histoire que marqueurs d’histoires où dérision, humour, allégories, s’expriment. Artistes et habitants, en font leur terrain d’expression. Au Caire par exemple, les murs barrant l’accès à la place Tahrir ont été détournés, contournés.

En Espagne ou en France, les murs sont parfois plus symboliques, politiques ou métaphoriques. Nos déplacements dans la ville ne sont-ils pas marqués de murs que nous n’osons parfois pas franchir ? En Espagne, la question catalane ne reflète-t-elle pas des fractures politiques plus larges au-delà même du dilemme autonomie contre indépendance ?

Finalement, les murs génèrent des sens différents avec pour conséquence des délimitations mentales pour les populations qui les subissent comme pour ceux qui bénéficient de cette supposée forme de protection. Mur, apartheid, migrants, réfugiés, français de seconde zone, issus de l’immigration, issus de la colonisation, grand remplacement, intramuros, périurbain, tenir le mur, lotissements sécurisés, la France judéo chrétienne, islamo-gauchiste, protectionnisme, contrôle au faciès, contrôle administratif, cohésion sociale, quartier populaire, secteur sécurisé, quartier bourgeois, au delà du périphérique, le champ des possibles, plafond de verre, fracture sociale, etc.

Les murs nous parlent, nous interpellent, écoutons les.

Ce projet de dossier a été pensé alors que se tenait à Marseille les 29 et 30 novembre le colloque « Des murs » organisé par l’UPOP Marseille. Alors que l’Europe fête les 30 ans de la chute du mur de Berlin que nous disent les murs actuels. Deux jours de rencontres avec des artistes, des philosophes, des journalistes, des chercheurs, etc.