Censure et invisibilisation des Palestiniennes et Palestiniens – une responsabilité collective

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Publié le 10/06/2025
Lors des Assises pour la Palestine en avril 2025, au fil des tables rondes et des interventions, un message revient sous des formes diverses : il faut briser le silence autour du génocide en cours à Gaza. Un silence rendu plus fort par deux phénomènes : la censure à laquelle font face les journalistes, avocats, citoyennes et citoyens palestiniens eux-mêmes, et l’invisibilisation d’une réalité en cours par le biais notamment d’une couverture médiatique partielle, notamment en Europe.

Francesca Albanese est rapporteuse spéciale auprès des Nations unies, spécialiste des droits humains. Elle  rappelle lors de son intervention que depuis un an et demi, elle utilise le terme génocide pour parler de la situation à Gaza. Une notion juridique qui s’appuie sur de nombreuses publications, notamment un rapport du 1er octobre 2024 qui évoque « l’effacement colonial par le génocide ».

« Depuis plus d’un an, j’utilise le mot génocide pour qualifier ce qui se passe à Gaza. Cela fait débat. Voyons-nous vraiment ce qui se passe en Palestine ? Je suis juriste. Le terme génocide est défini par le droit international. Il s’agit notamment de la destruction intentionnelle d’un groupe comme tel. Le réseau d’accès à l’eau, à l’alimentation, la destruction de camps de réfugiés en Cisjordanie occupée (peu documentée) qui fait des milliers de déplacés. Tout cela participe du système en cours. »

Pour aller plus loin sur la notion juridique de Génocide voir la Convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide. Définition à son article II.

A ses côtés, la professeure de droit international Rafaëlle Maison complète : « Un jugement de la Cour Pénale internationale peut prendre plusieurs dizaines d’années sur le fond. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas qualifier la situation de génocide d’ici là. Trois ordonnances de la Cour internationale de Justice décrivent le risque de génocide qui s’accroit. Par ailleurs, la Cour Pénale Internationale a publié deux mandats d’arrêts internationaux à l’encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et de son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre. Nous ne devons pas nous laisser intimider par ceux qui veulent minimiser ses actes judiciaires. »

Francesca Albanese conclut : « Depuis le début du génocide, nous sommes moins libres. Nous avons peur d’utiliser certains mots, de porter des keffiehs, nous sommes frappés par la peur. Nous devons briser le silence et nous unir ».

Au micro de 15-38, un membre de l’association Adalah, revient sur la situation des Palestiniens d’Israël (qui représente deux millions de citoyens d’Israël, soit 20% de la population). Face aux risques d’arrestations sans fondements, ils finissent par ne plus manifester, ni même publier de messages sur les réseaux sociaux. Une censure à bas bruit très peu rapportée dans les médias.

Adalah est un centre d’assistance juridique. Sa mission principale est de promouvoir les droits humains en Israël en général et les droits de la minorité palestinienne, citoyens d’Israël, en particulier.

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Wafa’ Abdel Rahman est la fondatrice de l’ONG Filastiniyat qui défend les femmes et les jeunes journalistes à Gaza. En avant-première pour les Assises, elle a présenté le film Journalistes en ligne de mire. Un documentaire réalisé en collaboration avec l’ONG CCFD qui donne la parole aux journalistes palestiniennes et palestiniens encore présents à Gaza. Un film doublé d’une exposition de photographies réalisées par des photographes palestiniens indépendants gazaouis. Depuis octobre 2023, plus de 200 professionnels des médias palestiniens ont été tués à Gaza.

« Ces journalistes décédés que nous voyons dans le film, ce ne sont pas des chiffres. Je connais chacun d’eux. Ils avaient des rêves. Ce film est un hommage à tous les journalistes à Gaza. Ce sont des héros qui ont décidé de documenter les histoires d’autres personnes. Des centaines de journalistes ont été tués. Nous sommes opprimés, nous sommes censurés. Nous devons parler aux médias internationaux. Si vous décidez de fermer les yeux, vous n’êtes plus neutres, vous êtes complices. Continuez à parler de Gaza. »