EDITO Violences contre les femmes : le combat renouvelé des sociétés en Méditerranée

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Mis à jour le 17/10/2020 | Publié le 18/05/2017

Elles étaient 54 en Espagne, 134 en France en 2014. Elles étaient 261 en Algérie en 2012. “Elles”, ce sont les femmes mortes sous les coups de leur conjoint. En 2017, les violences subies par les femmes sont psychologiques, verbales, physiques, sexuelles, économiques et administratives. Elles se retrouvent majoritairement au sein du couple. Pour l’OMS il s’agit d’un “problème mondial de santé publique d’ampleur épidémique”. Et toute la Méditerranée est concernée.

La lutte pour les droits des femmes n’échappe pourtant pas à l’orientalisme. Certains, installés en Occident, se voudraient valeur d’exemple mais ce n’est qu’un vernis. Toutes les femmes de la région font face à des sociétés globalement machistes, globalement discriminantes. Le clivage Europe-”Monde arabe” est trop souvent utilisé comme prisme. Nous considérons que ce clivage est réducteur, un mécanisme supplémentaire qui réduit les femmes à une seule représentation. Ces femmes du “Monde Arabe” présentées comme seules victimes, nous les connaissons aussi comme militantes, battantes, actrices du changement. Et surtout, dans les sociétés européennes, rien n’est gagné, comme le montrent les militantes espagnoles de Velaluz, en grève de la faim pour réclamer plus de moyens.

Face aux sociétés inégalitaires, les femmes ont droit de citer. Si les sociétés civiles ne sont pas impliquées dans la production des lois, ces dernières sont inefficaces. A Tunis, c’est bien grâce à l’engagement des associations comme l’ATFD que le projet de «loi intégrale relative aux violences faites aux femmes» a été rédigé et porté jusqu’au parlement.

Les lois et les codes ont sans cesse évolué au cours de l’histoire récente de nos sociétés. Le Code Napoléon du 21 mars 1804 a longtemps été la valeur étalon dans la région, instituant l’incapacité juridique de la femme mariée. La femme considérée comme mineur était entièrement sous la tutelle de ses parents, puis de son époux. Si les codes civils ont depuis été amendés, cette histoire commune permet encore aujourd’hui de justifier ces violences.

Les avancées législatives sont importantes en Méditerranée ces dernières années mais elles sont insuffisantes et fragilisées notamment par l’absence de structures de prise en charge des femmes qui quittent leur mari violent. Les femmes se retrouvent confrontées aux “lois morales, sociétales” où ce qui se passe au coeur de la famille doit y rester. Un certain nombre de militantes s’attèlent donc à transformer les mentalités, via les réseaux sociaux. Bande-dessinées, recueils de témoignages via les réseaux sociaux, vidéos sont mis en ligne dans toute la région. Ces initiatives ont du succès mais tiendront-elles la durée?

Faire avancer les droits, c’est parfois un travail en “sous-marin”, invisible, et fait de petites victoires. Partout dans la région, les femmes parviennent à s’affranchir par l’éducation, le travail, la présence dans l’espace public. Les sociétés évoluent. Porter plainte est possible, la prévention est en chantier et les hommes sont renvoyés à leur condition de citoyen : ils n’appartient pas qu’aux femmes de lutter pour leurs droits.