Gaza : nous refusons le silence

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Publié le 06/05/2025
Tribune des étudiant·es en journalisme mobilisé·es.

Depuis le 7 octobre 2023, plus de 200 journalistes ont été tué·es par l’armée israélienne en Palestine et au Liban.

Face à ce massacre, nous, étudiant·es en journalisme mobilisé·es, affirmons notre solidarité totale avec le peuple palestinien, de Gaza à la Cisjordanie occupée, et avec les civil·es qui en sont les premières victimes.

Nous exprimons également notre soutien inconditionnel à nos consœurs et confrères journalistes palestinien·nes, qui continuent de témoigner au péril de leur vie.

Ce qui est en train de se passer à Gaza est un génocide.

Nous n’employons pas ce mot à la légère : des enquêtes menées par des organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch et des commissions d’enquête indépendantes de l’ONU affirment le caractère génocidaire de l’horreur déchaînée contre le peuple palestinien à Gaza. Le rapport d’Amnesty, en particulier, documente non seulement des crimes de guerre à grande échelle, mais met aussi en évidence des éléments démontrant une intention génocidaire de la part d’Israël.

Dans ce contexte, nous saluons le courage inouï des journalistes palestinien·nes sur place, qui, malgré les conditions de guerre, les bombardements permanents, les situations de famine, les coupures de courant, la perte de leurs proches et de leurs collègues, continuent de documenter les réalités du génocide en cours.

Leur travail est vital, et leur silence forcé, un crime de plus.

Par ailleurs, nous condamnons l’interdiction faite aux journalistes internationaux d’entrer à Gaza. Ce verrouillage de l’information témoigne d’une volonté claire de contrôle du récit et d’opacité, incompatible avec le droit à l’information et la liberté de la presse.

Le 16 avril 2025, des journalistes se sont mobilisé·es à Paris et Marseille en soutien à leurs consœurs et confrères de Gaza. Nous nous joignons à leurs revendications.

À notre tour, nous faisons entendre nos voix.

Nous soutenons pleinement le mouvement étudiant, en France comme à l’international, qui dénonce les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par l’armée israélienne, ainsi que la complicité active de plusieurs gouvernements occidentaux.

À ce titre, nous appelons les établissements d’enseignement supérieur français à rompre leurs partenariats avec les universités israéliennes.

Nous tenons à exprimer notre solidarité avec les étudiant·es gazaoui·es, dont les universités ont été détruites sous les bombes, et qui se voient privé·es de leur droit fondamental à l’éducation.

Notre soutien s’étend également à Mahmoud Khalil, figure du mouvement étudiant pro-palestinien à l’Université de Columbia, emprisonné depuis un mois et demi pour avoir manifesté contre l’occupation israélienne et aujourd’hui menacé d’expulsion.

Cette répression s’inscrit dans une tendance inquiétante à la criminalisation de la solidarité avec la Palestine, dans le monde universitaire et au-delà.

Dans cette continuité, nous exigeons la libération immédiate de Georges Abdallah, militant communiste libanais emprisonné en France depuis 1984.

Détenu depuis plus de 40 ans malgré sa libération conditionnelle accordée en 2013, Georges Abdallah est un symbole de la répression politique contre les soutiens historiques à la cause palestinienne. Son maintien en détention est un scandale judiciaire et politique que nous refusons d’ignorer.

Dans cette même logique de répression et de silence imposé autour du soutien à la cause palestinienne, en France, le collectif citoyen « Faim de justice pour la Palestine », composé majoritairement de soignant·es, mène depuis plusieurs semaines une grève de la faim pour dénoncer le génocide en cours à Gaza et l’hypocrisie des institutions françaises. Leur mobilisation se heurte à un mur de silence médiatique. Très peu relayée par les grands médias, leur action incarne pourtant une résistance humaine et politique face à l’oubli organisé. Nous leur apportons tout notre soutien. Leur détermination et leur courage forcent le respect

Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza, seule voie possible pour mettre un terme à la catastrophe humanitaire en cours. Ce cessez-le-feu doit s’inscrire dans une dynamique plus large de lutte contre l’occupation illégale des territoires palestiniens et contre l’expansion continue des colonies israéliennes, en violation du droit international.

Nous réclamons également la libération de tous les otages, qu’ils soient israélien·nes détenu·es par le Hamas ou palestinien·nes incarcéré·es sans charges par Israël.

Nous dénonçons fermement l’amalgame systématique entre antisémitisme et antisionisme, un procédé dangereux qui vise à discréditer toute critique de la politique israélienne et à museler les soutiens au peuple palestinien.

En tant que futur·es journalistes, nous sommes préoccupé·es par le traitement médiatique dominant du conflit au Proche-Orient, souvent biaisé en faveur d’Israël. Nous refusons de participer à un système qui déshumanise les Palestinien·nes, ignore leur souffrance et minimise les crimes de guerre qu’ils subissent.

Le travail d’analyse critique réalisé notamment par Arrêt sur images, a mis en évidence une absence de traitement du conflit lors de périodes cruciales, révélant un silence médiatique frappant au moment même où les bombardements s’intensifiaient et où les pertes civiles palestiniennes s’alourdissaient. Dans cette même perspective, Acrimed mène depuis des années un travail méticuleux d’analyse des biais structurels des grands médias français, montrant comment les violences israéliennes sont euphémisées, les responsabilités diluées, et les voix palestiniennes systématiquement marginalisées.

À cela s’ajoute l’enquête publiée en janvier 2025 par L’Humanité, en collaboration avec l’ONG Tech for Palestine, qui a passé au crible plus de 13 000 articles consacrés au conflit, issus de cinq grands journaux français. Cette analyse montre que, malgré l’ampleur des pertes humaines côté palestinien, les morts et souffrances palestiniennes sont très peu mises en avant dans les titres, les choix iconographiques, ou encore les angles éditoriaux.

Ce traitement participe d’une asymétrie profonde dans la manière dont de trop nombreux médias français couvrent la guerre à Gaza : focalisation sur les discours officiels israéliens, quasi-absence des voix palestiniennes, floutage des responsabilités, euphémisation des violences subies.

Ce constat renforce notre volonté de dénoncer un paysage médiatique trop souvent marqué par des récits déséquilibrés et déshumanisants, et de nous engager dans une pratique du journalisme réellement critique, rigoureuse et fidèle aux faits.

Nous regrettons aussi la place laissée à certain·es éditorialistes ou responsables politiques, dont les propos sont diffusés sans aucun contradictoire ni vérification des faits, participant ainsi à la diffusion de discours mensongers et diffamants.

Il ne nous est pas possible de poursuivre nos études dans le silence face à cette réalité. Nous affirmons notre engagement pour un journalisme de terrain, de vérité, de justice.

Nous souhaitons terminer cette tribune avec les mots de Fatima Hassouna, jeune photojournaliste palestinienne tuée à son domicile dans un bombardement israélien à Gaza le 16 avril 2025, avec dix membres de sa famille. Elle avait consacré sa vie, son regard et sa voix à documenter les combats et les souffrances des siens. Quelques jours avant sa mort, elle écrivait :

« Si je meurs, je veux que ce soit une mort bruyante.

Je veux que le monde entier entende parler de ma mort.

Je veux qu’elle ait un impact qui ne s’estompe pas avec le temps.

Je veux des images qui ne peuvent pas être enterrées dans l’espace ou le temps. »

Nous l’entendons. Nous refusons le silence.

Sont signataires à ce jour, le 05 mai 2025, 712 étudiant·es en journalisme mobilisé·es des écoles suivantes :

  • Bordeaux : Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA)
  • Cannes : École de Journalisme de Cannes (EJC)
  • Grenoble : École de Journalisme de Grenoble (EJDG)
  • Lannion : Institut Universitaire de Technologie de Lannion (IUT Lannion)
  • Lille : Académie de l’École Supérieure de Journalisme (ESJ)
  • Lille : École Supérieure de Journalisme de Lille (ESJ Lille)
  • Lyon : Centre de Formation des Journalistes – antenne de Lyon (CFJ Lyon)
  • Lyon : Master Nouvelles Pratiques du Journalisme – Université Lumière Lyon 2 (NPJ Lyon II)
  • Marseille : École de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille (EJCAM)
  • Montpellier : École Supérieure de Journalisme Pro de Montpellier (ESJ Pro Montpellier)
  • Paris : Centre d’Études Littéraires et Scientifiques Appliquées – Université Paris-Sorbonne (CELSA)
  • Paris : Centre de Formation des Journalistes (CFJ)
  • Paris : Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ)
  • Paris : Institut Pratique de Journalisme – Université Paris Dauphine (IPJ)
  • Paris : Sciences Po Paris – École de Journalisme
  • Paris : Master Journalisme bilingue anglais-français – Université Sorbonne Nouvelle
  • Paris : Institut français de presse (IFP)
  • Prépa la Chance, pour la diversité dans les médias
  • Rennes : Sciences Po Rennes – Master Journalisme
  • Strasbourg : Centre Universitaire d’Enseignement du Journalisme (CUEJ)
  • Toulouse : École de Journalisme de Toulouse (EJT)
  • Tours : École Publique de Journalisme de Tours (EPJT)
  • Valenciennes : Master Design Informationnel et Journalisme Transmédia (DIJT) – Université Polytechnique des Hauts-de-France (UPHF)
  • Vichy : Institut Universitaire de Technologie de Vichy (IUT Vichy)