Patrick Amico : « Nous n’écartons aucune solution pour maîtriser l’augmentation, y compris celle de ne plus autoriser les locations touristiques aux résidences secondaires »

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Mis à jour le 27/03/2023 | Publié le 19/03/2023
Alors qu'elle fait face à une crise du logement unique en France, Marseille voit le nombre de locations touristiques exploser. La municipalité cherche à les encadrer afin de combler le déficit de logements. Patrick Amico est l’élu au logement de la ville de Marseille.

Immeuble de la Plaine, quartier du centre-ville de Marseille – mars 2023 – CC

Comment expliquer l’explosion des locations touristiques à Marseille ces dernières années ? 

A mon arrivée à la mairie, la réglementation entourant les locations meublées à Marseille permettait à un propriétaire de louer sa résidence principale 120 jours au cours de l’année (comme le prévoit la loi), mais aussi jusqu’à cinq résidences secondaires pour une durée de six mois renouvelables une fois. Cela a eu pour effet d’entraîner une explosion du nombre de résidences meublées destinées au tourisme dans la ville, et plus particulièrement dans le centre-ville et le 7ème arrondissement (proche de la mer, ndlr). Ce phénomène a débuté avec le COVID-19 en 2020 et a continué depuis. 

Nous estimons à 9 000 le nombre de logements destinés au tourisme à Marseille, sans compter les résidences principales (encadrées par la loi) et les résidences non encore enregistrées. Un numéro d’enregistrement informatisé n’a été mis en place à Marseille qu’à la fin de l’année 2020, d’où l’absence de données précises sur la question pour comparer sur plusieurs années. Ce que l’on sait c’est que le nombre de demandes d’enregistrement ou de changement d’usage de son logement a explosé. 

Politiquement, nous ne sommes pas contre les résidences meublées de tourisme. Elles permettent de répondre à un besoin que ne remplit pas l’offre hôtelière dans la ville. Mais ces résidences deviennent des produits financiers qui bouleversent l’offre locative et restreignent la capacité en logement de la ville. 

Quelles ont été les premières mesures mises en place par votre majorité ? 

Fin 2021, nous avons fait voter une délibération en Conseil municipal afin de restreindre la capacité de changement d’usage d’un logement. Un propriétaire peut déclarer une résidence principale et seulement une résidence secondaire en location meublée touristique pendant quatre ans et doit ensuite demander son renouvellement, sans garantie que cela lui soit accordé. 

Des limites dans le nombre autorisé de logements touristiques par secteur vont bientôt être mises en place. Je ne peux pas encore communiquer de date précise. D’autant que nous devons aussi attendre que les autorisations attribuées à certains logements sous l’ancienne législation arrivent à terme (soit 12 ans d’autorisation tacite).

A partir du deuxième logement concerné par un changement d’usage, un propriétaire aura l’obligation de compenser cette location touristique par la création d’un logement familial de même surface, dans le même secteur de la ville.

Enfin, les immeubles où plus de 50% des logements sont des logements touristiques devront transformer la totalité de leurs logements en meublés touristiques afin de limiter le risque de nuisances aux locataires qui ne sont entourés que par des locations touristiques, si le règlement de copropriété les autorise. Or, de plus en plus de copropriétés changent leur règlement pour interdire ce type de location. 

Nous ne visons pas une interdiction absolue de ces locations mais nous concentrons nos efforts de contrôle sur certains secteurs de la ville posant problème au regard du nombre de logements concernés et de l’impact sur la vie du quartier. L’exemple du Panier, quartier historique du centre-ville de Marseille, en est un exemple frappant. 

Concernant les contrôles, la ville de Barcelone emploie 70 agents chargés de veiller à la bonne application de la réglementation mise en place par la mairie. Qu’en est-il à Marseille ? 

Nous sommes en train d’estimer le budget et de chercher les financements nécessaires pour se donner les moyens de contrôler. Nous envisageons de passer de deux agents à cinq, comme c’est le cas par exemple à Strasbourg. 

Nous nous posons également la question de savoir quoi contrôler et comment le faire efficacement. Jusqu’à présent, les plateformes de locations comme Airbnb étaient réticentes à transmettre les informations concernant le nombre de jours de location déclarés. La plateforme envoyait ces statistiques une fois par an. Nous avons discuté pour envisager une collaboration plus proche. Depuis février, nous pouvons vérifier les numéros d’enregistrement des logements proposés via la plateforme à Marseille et nous faisons remonter les incivilités déclarées. L’enjeu pour la plateforme est important car elle est de plus en plus attaquée pour son impact dans de nombreuses villes. D’autres plateformes ne font pas les mêmes efforts pour contrôler la qualité des locations. Nous souhaitons mettre en place des dispositifs de contrôle plus efficaces en ce qui concerne la vérification des numéros d’enregistrement mais aussi les plaintes du voisinage et le paiement des taxes de séjour. 

Plus largement, cette crise des locations touristiques vient pointer les difficultés structurelles sur la question du logement à Marseille. Comment redonner accès au logement de manière équitable à Marseille ? 

Marseille fait face à un déficit de logement. Il faudrait construire 45 000 logements par an pour répondre à la demande. On compte aussi 40 000 logements indignes et 41 000 demandes de logements sociaux non-satisfaites. C’est une crise logement unique en France. Cela nécessite une politique volontariste qui n’est pas de la seule responsabilité de la mairie et cela prendra des années pour combler le déficit, d’où notre attention à limiter le nombre de locations meublées touristiques. Nous n’écartons aucune solution pour maîtriser l’augmentation, y compris celle de ne plus autoriser les locations touristiques aux résidences secondaires. La question reste en réflexion