Préservation du milieu marin : à Dénia, les plus jeunes prennent la mer

Rédigé par :
Mis à jour le 01/10/2020 | Publié le 18/04/2019

Dans la région de Valence, en Espagne, plusieurs campagnes de récupération de résidus plastiques qui polluent les côtes sont lancées tout au long de l’année. Les jeunes de la région sont parmi les plus actifs et dédient leur temps et leur énergie au recyclage des microplastiques et à la sauvegarde de la faune marine méditerranéenne. Portrait de cette jeunesse engagée.

Le vent siffle dans les ruelles du vieux village de pêcheurs de Dénia, dans le sud de l’Espagne. Des deux côtés de la rue, des maisons désertes, silencieuses derrière les rideaux baissés. Cette petite bourgade ne reprend vie qu’en été, avec l’arrivée des touristes. Il est loin le temps où la petite ville vivait grâce à la pêche. En quelques années, ses habitants ont vu changer leur mode de vie. Le village de pêcheurs s’est transformé en destination touristique et en réserve naturelle. Au large, la mer charrie les déchets plastiques… Une vraie prise de conscience en terme de sauvegarde et de protection de l’environnement se fait urgente.

Carla Mayer, la voix gaie et pleine de ferveur pour la sauvegarde de la nature a 21 ans. Elle est responsable des volontaires qui participent aux activités de Xaloc, une association née il y a seulement dix ans grâce à l’enthousiasme des plus jeunes pour la préservation de l’écosystème marin. « Les microplastiques sont les morceaux les plus petits auxquels sont réduits les déchets plastiques ayant séjourné longtemps dans l’eau. Les récupérer n’est pas simple. S’il existe des machines conçues pour ramasser la plupart des résidus plastiques présents dans le sable des plages, celles-ci n’arrivent pas à s’emparer des microplastiques », explique la jeune femme. « Pour les récupérer, nos volontaires, pour la plupart des jeunes de la région de 16 à 24 ans, sont obligés de s’accroupir dans le sable ». Une mission fastidieuse et un travail de fourmi : « Chacun d’entre eux s’occupe d’une surface inférieure à un mètre carré. En quatre heures, les 300 volontaires épureront une centaine de mètres de plage », conclut-elle.

La province de Valence est l’une des plus actives en Espagne en terme de recyclage de microplastiques et de récupération des résidus plastiques. Notamment grâce aux milliers de volontaires de tout âge qui adhèrent et participent aux campagnes de recyclage lancées par les associations et les mairies. Les jeunes volontaires de Xaloc sont très déterminés et prennent soin de la côte. L’association s’occupe d’informer le public de l’état de contamination par les microplastiques de la mer Méditerranée. Elle soutient également la préservation de la faune marine et a réalisé une première estimation de l’état de contamination des plages afin de mettre en place la meilleure stratégie pour éliminer les résidus contaminants. Férus de nouvelles technologies, les jeunes de Xaloc savent utiliser les réseaux sociaux au service de l’environnement.

Alejandro Jimenez Moreno a 23 ans. Cet étudiant participe assidûment aux initiatives de Xaloc depuis quatre ans déjà. Enthousiaste, il estime que l’activisme et les mobilisations citoyennes sont les facteurs indispensables au changement. « C’est incroyable comme on peut passer des heures à récupérer de minuscules morceaux de plastique. On a l’impression que cela ne sert à rien. Mais à la fin de la journée, quand on voit que grâce à tous les volontaires on a ramassé plusieurs kilos de résidus plastiques, on se rend bien compte de l’importance de ces initiatives », raconte celui qui ne manque pas un seul événement de Xaloc depuis qu’il a découvert les actions de l’association. « Les activités que nous menons sont très importantes. Bien sûr nous nettoyons les plages, mais nous exerçons aussi une influence sur les politiques et la société ». Avec lui, des personnes de tout âge participent. « Il y a toujours une ambiance assez paisible. Indirectement les décisions politiques ont évolué de la même manière. Les actions qu’on mène ne sont que des grains de sable face à l’ampleur du problème. Mais les uns après les autres, ces grains de sable formeront la montagne du changement », termine-t-il.

Dans la région de Valence, l’une des plus importante campagne de nettoyage des plages, des côtes et de la mer a été organisée par la mairie de Dénia. Xeloc participe activement à chaque nouvelle édition. Organisées à plusieurs reprises tout au long de l’été, quelques centaines de personnes participent à ces campagnes à chaque fois. Les groupes de volontaires passent au scanner les plus de 20 kilomètres de côtes de la réserve naturelle de Dénia. Les embarcations sportives et les pêcheurs artisanaux locaux s’occupent de récupérer les résidus flottant à la surface de la mer, tandis que le fond de l’eau est observé avec attention par les plongeurs. Ces dernières années, plusieurs tonnes de résidus plastiques ont été récupérées et envoyées à recycler par une entreprise locale. Les activistes recensent les découvertes les plus étranges et les plus troublantes récupérées au fil de ces journées : une machine à laver, plusieurs vieux vélos, un pneu de camion, un cadis de supermarché et des tuyaux métalliques de plusieurs dizaines de mètres de long…

« Heureusement, on en trouve de moins en moins au fond de la mer », explique depuis son bureau Toni Martinez, garde-côte et responsable du secteur environnemental de la mairie de Dénia. Les murs tapissés d’affiches sur la protection de l’environnement, son bureau est un repère pour vieux outils de pêche. Le regard de Toni est empreint de mélancolie mais aussi de confiance au changement. « Les pêcheurs de Dénia ont fait un travail admirable ces dernières années. Ils ne produisent plus aucun déchet. Ils récupèrent et recyclent tout résidu contaminant resté coincé dans leurs filets. Les campagnes de nettoyage des côtes de Dénia sont un exemple pour toute l’Espagne », détaille le garde-côte. L’objectif principal des campagnes de la mairie, au-delà de la protection du milieu marin, est de sensibiliser la société et notamment les plus jeunes à ces thématiques. « Quand j’étais gamin », se souvient Toni Martinez, « Dénia était un village de petits pêcheurs artisanaux. Personne n’imaginait que les choses auraient autant changé en si peu de temps, ni que notre production industrielle de plastique et d’emballages aurait tellement augmenté, jusqu’à mettre en danger ce qu’on a de plus cher au monde ».

Les dernières études de Greenpeace Espagne démontrent qu’en 2018, en Espagne, 50 millions de bouteilles en plastique ont été vendues chaque jour. Seulement 20 millions ont été correctement recyclées. Ce qui signifie que chaque jour, à peu près 30 millions de bouteilles en plastique ont fini brûlées dans les incinérateurs ou abandonnées dans la nature. Dans cette même enquête, Greenpeace Espagne révèle que des traces de microplastiques ont été retrouvées dans le sel marin. La présence de ces fragments minuscules de plastique constitue un grave danger pour la faune marine puisque la plupart des poissons, des crustacés et des mollusques en avalent de plus en plus. Pour les jeunes volontaires de Xaloc, la préservation de la faune marine méditerranéenne est une priorité : « Durant les périodes de reproduction des tortues marines, l’Armée de terre espagnole nous a mis à disposition des tentes pour pouvoir surveiller, jour et nuit, les 21 jours nécessaires à la reproduction de ce reptile. Le but est de protéger les petits des prédateurs et de l’action maladroite de personnes peu attentives », conclut Carla. A Dénia, la protection de l’environnement est un travail de petites mains qui mobilise une jeunesse méditerranéenne engagée jour et nuit.

15-38 est un média indépendant. Pour financer le travail de la rédaction nous avons besoin du soutien de nos lecteurs ! Pour cela vous pouvez devenir adhérent ou donner selon vos moyens. Merci !