Depuis octobre 2023, Gaza fait face à une crise sanitaire et humanitaire d’une ampleur sans précédent. À ce jour, plus de 60 000 personnes ont perdu la vie, dont une large majorité de civils, et le nombre de blessés se compte en centaines de milliers. La famine est utilisée comme une arme, les épidémies se multiplient, les hôpitaux sont en ruines. Fait inédit, les soins aux victimes sont aujourd’hui entravés et parfois totalement empêchés ; soignants et humanitaires, derniers remparts contre la mort, sont désormais devenus des cibles.
À Gaza, la famine est devenue une arme de guerre. Selon l’OMS, depuis le début du blocus de l’aide humanitaire imposé le 2 mars dernier 71 000 enfants et 17 000 femmes enceintes ou allaitantes nécessitent un traitement urgent pour malnutrition aiguë. L’accès à la nourriture devient un piège mortel : au 21 juillet, plus de 1 000 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne alors qu’ils tentaient d’obtenir de la nourriture.
À Gaza, les épidémies se multiplient et les patients meurent faute de soins. L’effondrement du système de santé, conjugué à l’absence d’hygiène, au manque d’eau potable et à la pénurie de médicaments, a provoqué une augmentation des maladies infectieuses. En juillet 2025, les équipes médicales font état d’une vague de méningites chez les enfants. Selon The Lancet, 350 000 personnes souffrent de maladies chroniques (diabète, hypertension, cancers, etc.) dont des milliers sont privées de traitements vitaux, entraînant une surmortalité massive, pourtant évitable.
À Gaza, depuis octobre 2023, plus de 50 000 enfants ont été tués ou blessés. Le territoire détient désormais le triste record mondial du nombre d’enfants amputés par habitant. Chaque jour, en moyenne, dix d’entre eux subissent une amputation – souvent sans anesthésie.
Face à cette urgence absolue, la mission de soigner est devenue impossible.
● Depuis plusieurs mois, les structures de santé à Gaza sont la cible de destructions massives, privant des centaines de milliers de civils, enfants, femmes, blessés, malades, d’un accès aux soins les plus élémentaires. Plus de 94 % des établissements hospitaliers sont endommagés ou anéantis, et il ne resterait qu’environ 2 000 lits pour plus de 2 millions d’habitants.
● Le blocus continu entrave l’acheminement de l’aide médicale et humanitaire : des centaines de milliers de personnes sont privées d’accès à des soins vitaux, aux médicaments, à l’eau potable et à l’électricité. Selon l’OMS, 43 % des médicaments essentiels, 64 % des fournitures médicales et 42 % des vaccins sont désormais en rupture totale de stock. 51 camions de l’OMS attendent encore l’autorisation d’entrer, malgré l’effondrement des hôpitaux.
● Depuis octobre 2023, plus de 1 500 soignants ont été assassinés, selon l’ONU. Parmi eux, le gynécologue Musa Khafajeh et trois de ses enfants ; le cardiologue Marwan Al-Sultan, l’un des deux derniers spécialistes de sa discipline encore en vie ; le Dr Adnan Al-Bursh, mort en détention. Le Dr Hussam Abu Safiya, pédiatre et directeur de l’hôpital Kamal Adwan, a été arrêté brutalement lors de l’assaut contre son établissement : il est aujourd’hui détenu sans jugement, torturé et affamé.
Appel urgent à la conscience mondiale
En tant qu’acteurs ou actrices de la santé, attaché·e·s au respect du droit international humanitaire, nous ne pouvons rester silencieux face à une crise sanitaire d’une telle ampleur.
Nous appelons nos collègues, institutions et organisations à s’élever pour rappeler l’obligation de protéger les structures médicales, le personnel soignant et les patients en toutes circonstances, conformément aux Conventions de Genève.
Face à cette situation d’urgence, nous demandons :
● La libération immédiate et inconditionnelle de tout le personnel de santé détenu.
● L’acheminement urgent, massif et inconditionnel d’une aide sanitaire et alimentaire à Gaza, par tous les moyens nécessaires et la levée du blocus, conformément au droit international humanitaire et aux résolutions des Nations Unies.
● Le rétablissement d’un minimum vital de santé publique : l’accès à l’eau potable, à la vaccination infantile, aux traitements contre la malnutrition et aux soins obstétriques d’urgence.
● Le déploiement massif d’équipes médicales sous protection internationale.
● La mise en place d’un mécanisme international indépendant de protection des soignants et de documentation des violations visant les structures de santé.
● La suspension immédiate de toute coopération universitaire et hospitalière avec les institutions impliquées dans des violations avérées du droit international humanitaire, en attendant les résultats d’enquêtes indépendantes.
Refuser cette aide, c’est choisir de hiérarchiser les vies.
À Gaza, ce n’est pas seulement un peuple qui est assassiné : c’est l’humanité tout entière qui est mise à l’épreuve. L’urgence est absolue.
Co-autrices : Diana ISMAÏL, Nasséra ZAÏDI
Une tribune publiée initialement par L’Humanité – que nous relayons ici sur 15-38. Retrouvez la liste complète et à jour des signataires sur le site du média.
Crédit photo : Jean-François Gornet, sous licence CC BY-SA 2.0. Obtenez des informations sur cette licence. Image recadrée.