Une Méditerranée inter-dépendante en gaz

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Mis à jour le 15/10/2020 | Publié le 05/06/2020

Elle n’a pas le profil des géants qatari, américain, russe ou iranien. Mais la Méditerranée est une région où le gaz est un enjeu important. D’autant plus que les pays qu’ils soient producteurs, importateurs ou exportateurs, sont liés les uns aux autres.

Les pays du bassin méditerranéens ne font pas partie des traditionnelles puissances gazières, même si l’Algérie fait partie du Top 10 des pays producteurs. Les exportations gazières d’Alger, dont une grande partie de la production est destinée au marché interne, ne représentaient en 2017 que 6% des exportations mondiales, loin derrière le trio de tête : la Norvège, le Qatar et les États Unis.

En 2018, les pays du pourtour méditerranéen ont consommé 9% de la consommation totale de gaz dans le monde, alors qu’ils représentent 7% de la population mondiale. Mais leurs profils sont variés.

Les pays méditerranéens dépendent les uns des autres pour leur approvisionnement, le développement de leurs marchés. En 2017, les 9 premiers clients du gaz Algérien étaient des pays Méditerranéens. C’est par les gazoducs qui traversent le Maroc et la Tunisie que le gaz algérien peut arriver en Espagne et en Italie. En 2018, l’Algérie était le 4eme fournisseur de gaz de la Turquie. La France importe 7% de son gaz d’Algérie. Depuis le début 2020, Israël exporte son gaz vers l’Égypte.

C’est cette inter-dépendance qui pourra avoir un impact sur les positions des uns et des autres quant au projet East Med, mais aussi sur les alliances dans la région. Depuis 2018, la Turquie fore au large de Chypre, à la recherche d’hydrocarbures, provoquant la colère des autorités chypriotes, mais aussi de pays de la région. Début 2019, au Caire, les gouvernements italien, chypriote, grec, israélien, palestinien, jordanien et égyptien ont créé le Forum du gaz de la Méditerranée orientale, chargé de veiller au respect du droit international dans la gestion des ressources gazières de chacun, selon un communiqué. En août 2019, l’Union européenne débloquait 500 000 euros comme « soutien ». Début 2020, la France demandait à rejoindre l’initiative alors qu’elle envoyait des éléments de sa marine patrouiller avec les Grecs en Méditerranée orientale. Les États-Unis ont demandé à devenir « observateur permanent » du Forum alors que son entreprise Noble Energy est impliquée dans les champs gaziers israéliens « Leviathan » et « Tamar », et chypriote « Aphrodite ».

Autour du gaz, au moins deux fronts se dessinent. Et l’évolution des découvertes sur les réserves de la région pourraient encore faire évoluer les alliances. En terme de réserves mondiales connues, l’Algérie (2,2%) et l’Égypte (1,1%) sont les seuls pays de la région en tête du classement mondial. Mais l’enjeu est dans les réserves potentielles que pourraient contenir le bassin du Levant. Ses 83  000 km2 divisés entre Grèce, Turquie, Syrie, Liban, Israël, Égypte et Chypre pourraient, selon des estimations américaines, contenir 3 500 milliards de m3 de gaz naturel, soit cinq fois plus que le potentiel du champs Leviathan qui a déjà transformé le profil énergétique d’Israël, et quatre fois plus que le gisement de Zohr qui a fait de l’Egypte, un pays exportateur de GNL.

Leïla Beratto, avec les correspondants de 15-38

Sources des infographies et des cartes (toutes les données, sauf indication, s’entendent pour l’année 2018): Europe et Turquie = Eurostats ; Algerie, Egypte et Libye = GECF ; Tunisie = Ministère tunisien de l’industrie ; Syrie, Israel, Maroc = BP; Israël et Syrie = US Energy information Administration, données pour 2016 ; Maroc = US Energy information Administration;